UN DESTIN COMMUN POUR UN AVENIR MEILLEUR

THOMAS D AQUIN CONTRE AVERROES

 

Contre Averroès Le Grand Commentaire d'Averroès sur le De anima d'Aristote est à la fois l'interprétation classique du texte fondateur de la psychologie et l'oeuvre la plus discutée du Moyen Age. Critiquée par Thomas d'Aquin, condamnée à deux reprises (1270, 1277) par l'évêque de Paris, Etienne Tempier, la conception averroïste de l'âme a été souvent déformée. On lui a reproché de nier le fait de conscience et de rejeter l'immortalité personnelle, alors qu'elle propose une théorie non matérialiste du sujet de la pensée et défend un dualisme radical du corps et de l'intelligence. Chef-d'oeuvre du péripatétisme médiéval, le Grand Commentaire sur le De anima passe au crible les principales interprétations grecques ou arabes, forge concepts et langages analytiques nouveaux, construit le réseau de problématiques dans lequel s'inscrira la psychologie jusqu'à Descartes. En dépit de son importance, le Grand Commentaire n'a jamais été traduit dans une langue moderne. L'original arabe étant perdu, la présente traduction a été réalisée à partir de la version latine de Michel Scot.

Quand, en 1270, Thomas d'Aquin rédige le De l'unité de l'intellect, il lui reste à peine quatre ans à vivre. C'est une oeuvre de combat qui engage une bataille dont le Moyen Age lui-même ne verra pas la fin : la lutte contre l'averroïsme. Depuis trois ans, Bonaventure tonne contre les philosophes de la faculté des arts. L'ancien maître de Thomas, Albert le Grand, entre en lice. Il sera bientôt rejoint par l'évêque de Paris, Etienne Tempier. Pourquoi cette agitation ? Thomas lui-même nous répond : une erreur a envahi l'université parisienne - il faut la réfuter. Son auteur ? Averroès. Ses partisans ? des chrétiens latins qui font profession d'ignorer leur christianisme et de mépriser leur latinité. En un mot : des averroïstes. Quelle erreur ? l'"unité de l'intellect" et l'affirmation, fascinante mais paradoxale, que l'" homme ne pense pas ". C'est contre cette thèse redoutable et contre ceux qui s'en font les défenseurs tel Siger de Brabant, que Thomas part en guerre, tentant de déconstruire l'averroïsme en reconstruisant Aristote.

 

Averroès théologien est un philosophe engagé. Ce philosophe est à la fois réaliste et idéaliste, ce qui, à tout prendre, vaut mieux que naïf et fanatique. Les hommes politiques qu'il estime avoir façonnés intellectuellement sont censés partager avec la masse, et diffuser, en son sein, la « Loi générale et commune », c'est-à-dire la Loi religieuse, en même temps qu'ils adhèrent à la « Loi particulière » des philosophes - ce qui est une condition sine qua non de la préservation de leur pouvoir, qui a pour finalité l'avènement du vrai. C'est pourquoi l'activité philosophique doit être voulue par la Loi religieuse, dont la fin ne peut être que le bien général. Sans l'obligation de philosopher adressée par le Texte coranique aux «hommes de démonstration », la Loi religieuse ne serait pas vraie, et l'obligation d'adhérer à l'Islam n'aurait pas de pertinence rationnelle. Tel est le message final d'Ibn Rushd, philosophe et théologien musulman. Il ne paraît pas qu'il ait perdu beaucoup de son actualité.



12/12/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 9 autres membres