cogitamus
En parlant de " communication ", de " société de l'information " ou d'" économie de la connaissance ", on laisse souvent penser que le savoir se réduit à une masse de données segmentées, isolées, brevetables et commercialisables comme n'importe quelle marchandise. Devant cette vision appauvrie et sclérosée, Yves Citton renverse la perspective et révise notre imaginaire du savoir. Il montre que les Humanités, souvent considérées comme poussiéreuses, voire inutiles, cultivent une compétence incontournable, celle de l'interprétation. Très loin de la simple " lecture " automatisée d'informations computables, revêche à toute réduction économiste, l'interprétation est une activité qui demande à être cultivée avec un soin très particulier. La dynamique propre à ce geste diffus dans toutes nos pratiques est faite de tâtonnements, d'errances et d'erreurs, de suspens, de sauts, de bifurcations, de rencontres - où l'intuition (esthétique) joue un rôle aussi important que la systématicité (scientifique). Devant l'emballement de la course au profit, l'exacerbation des inégalités sociales et le mur écologique qui nous font face,une reconsidération des Humanités est indispensable pour quiconque se préoccupe de l'avenir de l'humanité.
L'automne 2009, une étudiante allemande fait part à Bruno Latour de son désarroi devant les disputes qui font rage avant le sommet de Copenhague sur le climat. Il lui signale l'existence d'un enseignement qui porte justement sur les liens multiformes entre les sciences, la politique et la nature. Pour diverses raisons, l'étudiante ne petit pas suivre le cours que le professeur est obligé de lui résumer en six lettres. Au fil de l'actualité, que l'étudiante suit de son côté en tenant son " journal de bord ", voilà qu'elle découvre peu à peu comment se repérer dans ces imbroglios créés par le développement même des sciences et des techniques. D'Archimède à Avatar, c'est l'occasion pour le lecteur d'un époustouflant galop dans ce domaine étrange des " humanités scientifiques ". Si la nature est entrée en politique, il faut bien que les sciences et les techniques fassent partie de ce qu'on appelait autrefois les " humanités ". Bruno Latour montre pourquoi il est impossible d'aborder les crises écologiques sans comprendre le caractère collectif et concret de l'acte de penser et de prouver. D'où le passage du cogito - le " je pense " cher à Descartes - à ce cogitamus - " nous pensons " -, parce que " c'est grue au fait que nous sommes nombreux, soutenus, institués, instrumentés que nous accédons au vrai "
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